Voilà, notre passage en Italie va s’arrêter là. Nous avons beaucoup aimé être en Italie et avons très envie de continuer de l’explorer. Nous ne sommes qu’à quelques kilomètres de la frontière et en partant du lac de Dobbiaco où nous avons dormi, nous décidons d’aller prendre un petit-déjeuner à San Candido.
Voilà en effet plusieurs semaines que nous en parlons de San Candido en disant à tout le monde que nous allons là et qu’après ce sera la Slovénie.
La première fois que j’ai cherché sur la carte, j’ai eu un bug (un bogue en français). Mon cerveau a dû redémarrer ou quelque chose comme ça. Sur la carte, c’est marqué Innichen / San Candido. Est-ce vraiment la bonne ville ? Est-ce réellement là que Françoise nous dit d’aller ?
J’ai laissé ça de côté comme je le ferais avec de la poussière tranquillement poussée du pied pour la glisser sous le tapis tout proche.
Maintenant que nous avons vécu un bout de notre vie dans cette région, nous comprenons. Ce n’est pas une annexion des touristes autrichiens sur l’Italie. Nous l’avons déjà dit ici, la région Süd-Tyrol est devenue italienne après la première guerre mondiale. Tous les noms ont alors été “italianisés”. La région s’est renommée Alto-Adige, Innichen est devenue San Candido, etc. Mais les habitants, eux, parlaient toujours allemand. L’histoire de cette région est bien mouvementée et beaucoup de frustrations ont été accumulées. Le régime fasciste de Mussolini notamment aurait bien aimé que plus d’Italiens s’installent ici. Entre les faveurs accordées aux italophones (postes dans la fonction publique…) et les incitations des fascistes allemands envers les germanophones à aller s’installer en Pologne, les cerveaux ont dû un peu plus chauffer que le mien plus haut dans cet article.
La région se cherche donc depuis un bon bout de temps et elle s’est forgée un statut très particulier. La région est autonome. C’est même la région la plus autonome d’Europe. Si j’ai bien compris, 90% des impôts reste sur place. Les enfants germanophones vont dans des écoles germanophones et les italophones, dans des écoles italophones. Ils apprennent un peu chacun à parler l’autre langue, les deux langues étant officielles. La répartition des postes dans la fonction publique se fait aussi en fonction de la langue maternelle. 70% de germanophones dans la région, même répartition dans la fonction publique.
Politiquement, ça a l’air un poil tendu me disait Thomas, rencontré au lac de Dobbiaco. L’extrême droite germanophone et la droite dure italophone avec les écolos au milieu qui se disent que peut-être on pourrait réussir à bien vivre ensemble. Bref, nous avons mieux compris pourquoi les rapports humains étaient si délicats. Plus d’une fois je me suis félicité de savoir parler allemand !
Étant en Italie, nous avions décidé d’utiliser les noms de ville italiens, mais la plupart des gens reprenaient le nom autrichien immédiatement. Parfois, je parlais allemand, mais je comprenais vite qu’il aurait mieux valu parler italien… jusqu’à cette employée du transporteur qui détenait notre remorque neuve qui, lorsque je tentais de lui expliquer ma situation en italien, m’a rétorquée qu’elle ne parlait ni allemand, ni anglais et que je n’avais qu’à me trouver quelqu’un qui parle italien pour discuter avec elle. J’ai fini par avoir mon information (où se trouvait mon colis), mais j’ai moyennement apprécié l’échange.
L’histoire de cette région est bien abordée au musée de la Montagne à Bolzano/Bozen car le chateau dans lequel il se situe a été un lieu très important des mouvements sociaux germanophones dans les années 50/60.
En écrivant cet article, je me replonge dans la carte et remarque qu’au sud de Bolzano, le nom italien est indiqué en premier et qu’au nord vers Bolzano, c’est le nom autrichien qui précède ! C’est vraiment ce que nous avons ressenti.
La frontière (enfin)
Bref, un sentiment de soulagement accompagne celui de joie lorsque nous passons le panneau de la frontière. Enfin ! Fini les deux chaises pour poser notre séant. On va pouvoir parler Allemand ! Enfin.. Allemand… Autrichien hein, ne nous voilons pas la face. Et puis dialecte souvent. Alors bon, certaines personnes font l’effort de me parler Allemand, mais dès qu’ils parlent entre eux, je ne comprends plus rien ! Mais en tout cas, on sent que le positionnement est plus cohérent.
Et cette frontière, nous ne la passons pas seuls, car nous avons rencontré Victorio juste avant de quitter San Candido. Il a 18 ans, voyage seul et va également vers la Slovénie. Il n’a pas du tout le même rythme que nous et avance bien plus vite, mais il nous accompagne bien volontiers. Il dort en hamac, il est scout, il connaît bien les bois et veut en faire son métier. Léon est aux anges et il adore pédaler à ses côtés.
Et la nuit
Je suis persuadé que les règles sont super cool en Autriche et qu’on va pouvoir bivouaquer sans problème. Mais c’est marrant, ce n’est pas du tout ce qui est marqué sur le site du Land. Eh oui, l’Autriche c’est une chose, mais chaque région (Länder) peut avoir une réglementation différente. Et il est bien indiqué que le bivouac est interdit dans le Tyrol. Nous demandons un peu par-ci par-là et finissons par comprendre que c’est interdit mais largement toléré dans les conditions dans lesquelles nous le pratiquons… ouf ! Nous monterons ainsi notre tente au bord d’un petit lac et Victorio, son hamac. Bonne nuit.