De Tournon, nous avons continué, le ventre plein de chocolat, vers le sud.
Au réveil, après une nuit de bivouac à la confluence de l’Isère et du canal du Rhône et où la tente fut bien agitée en tout sens, nous cherchons une solution pour nous mettre à l’abri. On annonce encore des rafales de 80km/h pour plusieurs jours et les pluies deviennent orageuses. Il nous semble trop dangereux de poursuivre sur nos vélos. Le chargement que nous portons fait que nous sommes déportés à chaque rafale. Et nous n’avons pas encore trouvé suffisamment nos repères pour rester confortable si les pluies durent plusieurs jours.
Cette situation pourrait nous paraître fort désagréable et “malchanceuse”. Mais nous savons que la Vie est surprenante et que les défis nous mettent parfois sur une voie plus en adéquation à nos besoins.
Après une pause café/chocolat, dans un hotel restaurant très chic qui a la gentillesse de nous accepter dans le salon d’entrée, nous cherchons un lieu pour nous accueillir. Et nous trouvons refuge à la Ferme du Rougequeue, ferme agroécologique, tenue par d’anciens voyageurs au long court ! Ce n’était pas prévu du tout mais cela correspond tant à nos souhaits de départ que nous nous sentons chanceux et guidés au bon endroit.
Pour les rejoindre nous devrons en revanche grimper. La côte est rude avec le matériel mais nous arrivons au bout. Cela nous inquiète un peu pour la suite car nous sentons bien que nos corps ne sont pas encore aguerris pour les dénivelés importants…
Accueil paysan
Nous sommes donc accueillis, pour les quelques jours qui arrivent, par Alain (qui a parcouru le monde à vélo pendant 4 ans), Marianne et Max (qui ont également parcouru la planète en sac à dos plusieurs années). Ils mettent à notre disposition les caravanes réservées aux wwoofers qui arrivent seulement dans quelques jours pour le début de saison.
Cette pause est la bienvenue et la rencontre fort appréciable ! Alain et Marianne font partie d’un réseau associatif Fermes paysannes et sauvages qui regroupe des fermes à taille humaine sur un territoire qui s’étend autour de Valence dans la Drôme.
L’idée défendue par ce regroupement associatif est que toutes les dynamiques qui font fonctionner la ferme sont sauvages. Il rappelle que “le sauvage n’est pas ce qu’il faut repousser à l’extérieur de l’exploitation et qui est nuisible à l’égard de la ferme : c’est le bouquet de dynamiques et de forces qui abrite la ferme, et la rend fonctionnelle et vivante.”.
Chercher les symbioses
En effet ce sont bien les dynamiques du vivant, à l’oeuvre depuis des millions d’années, qui ont modulé les espèces, fait évoluer les symbioses, pour permettre une harmonie toujours efficiente et nourrissante. Si nous comprenons aujourd’hui de mieux en mieux l’importance des symbioses à l’œuvre, les liens entre tous les systèmes permettant à la vie de se déployer, il est parfois encore difficile de sortir de décennies d’anthropocentrisme et d’accepter que nous sommes la nature au même titre que les arbres, les fleurs, les insectes ou les mycorhizes.
Peut être serait-il important, dès notre manière de parler, de ne plus aborder la nature comme quelque chose d’extérieur à nous-même afin de nous permettre de retrouver notre place et une vision à juste échelle. Se sentir faire partie intégrante de l’environnement que l’on observe n’est-il pas alors le préambule nécessaire à une action juste et une compréhension juste de ce que l’on observe ? Chaque chose qui existe semble avoir une place parfaitement adéquate et nécessaire au bon déroulement de la Vie.
L’intelligence humaine pourrait peut-être alors être mise au service de la modulation des espaces afin d’être garant de l’équilibre, quand celui-ci n’est plus assuré ou a été détruit par l’action humaine.
Partout dans le monde les prises de conscience se font et de plus en plus de jeunes reprennent des micro fermes où ils mettent, au service de ces espaces, leurs expériences et leurs savoirs et où le ressenti intuitif reprend de plus en plus la part belle dans les actions posées.
Oui, le monde change.
On peut en regarder les côtés sombres et/ou s’émerveiller de toutes les Semences qui se mettent en place à travers le monde.
Oui, le monde change. Et si c’était heureux ?